Une cause qui dépasse les intérêts particuliers
C'est certain, qu'en tant qu'actionnaire et président d'une entreprise spécialisée dans le logiciel libre, j'ai un intérêt personnel dans cette cause.
Il y a pourtant une petite différence avec mes confrères de l'ancienne économie propriétaire : en permettant aux solutions en logiciels libres un accès équitable aux marchés publics, j'obtiens le droit à toutes les entreprises d'informatiques de soumissionner, j'obtiens le droit d'être mis en compétition avec tous mes compétiteurs, j'obtiens le droit de travailler et de développer une économie locale à haute valeur ajoutée. À chaque fois qu'un logiciel libre est installé, je gagne 0$. Je gagne de l'argent seulement par mon expertise qui a été mise en concurrence aux meilleures conditions pour mon client.
Je voulais commencer par cela parce que je suis avant tout un professionnel. Le logiciel libre pour moi n'est pas une idéologie, mais une manière sérieuse de faire mon métier de spécialiste des systèmes d'informations d'entreprises.
Comme vous vous en doutez nous avons reçu des dizaines et des dizaines de messages de soutien. C'est promis je vais y répondre à tous. Laissez moi un peu le temps de respirer.
Ce qui m'a frappé le plus et je dois dire que j'en ai été tout d'abord un peu surpris, c'est qu'une grande partie de ces messages de soutien provenait de chefs d'entreprises du Québec.
Alors, à tous ceux-là, qui savent ce que je vis chaque matin en me levant, je voulais dire un merci particulier.
Et puis il y a tous les messages de professionnels et
particulièrement de ceux, membres de cette immense communauté de
développeurs Open Source. Je travaille avec eux tous les jours, je savais qu'ils seraient là. «Fais ce que tu dois!».
Nous avons reçu aussi beaucoup de messages d'agents de l'État. Des témoignages très intéressants et souvent touchants. Merci à eux.
Je ne vais plus commenter le dossier de la requête contre la RRQ. Elle est maintenant entre les mains de la Justice.
Je voudrais cependant ajouter qu'à chacune de mes démarches dans tous les ministères, j'ai toujours trouvé des personnes courtoises, attentives et dévouées à leur mission. Ma perception est que nos désaccords lorsqu'ils survenaient, provenaient avant tout, soit de l'ignorance, soit, et cela dans la plupart des cas, de l'absence d'une vision au plus haut niveau pour soutenir leurs décisions.
C'est pour cette dernière raison que je voudrais souligner le commentaire de Philippe
que je vous invite à lire :
http://blogs.savoirfairelinux.net/cyrilleberaud/rrqda02481--.html#comment-12
À bientôt.
re: Une cause qui dépasse les intérêts particuliers
L'enjeu de cette cause n'est pas tellement la reconnaissance des logiciels libres (et les bonnes affaires de Savoir-faire Linux) que l'exclusion automatique de toutes solutions informatiques autres que celles de Microsoft, qui s'impose comme quasi-monopole en Amérique du Nord.
Il ne devrait pas être nécessaire de faire l'apologie du libre pour démontrer le problème, qui est culturel (PC = Windows, texte = Word, Internet = IE), et systémique (ventes liées des PCs avec Windows et sa suite Office). Dans un monde normal, la concurrence d'autres solutions (propriétaires et libres) aurait dû être considérée par la Régie des Rentes. Mais nous ne sommes pas dans un monde normal et les fonctionnaires ne sont pas différents du bon peuple; nous sommes tous victimes de la lobotomie collective induite par Microsoft.
La concurrence de Apple est trop spécifique pour avoir une influence; son offre est trop luxueuse et fermée (au niveau matériel plus que logiciel) pour être largement déployée; M$ a basée la sienne sur le fait qu'elle était moins coûteuse que celle de Apple, et ouverte côté matériel.
Évidemment, ça change un peu partout; le "libre" prend sa place chez les utilisateurs et dans le commerce, mais l'inertie est forte dans les gouvernements (dans les grandes entreprises aussi d'ailleurs). Passer de Windows 2000 à Vista (qui est médiocre apparemment) n'est pas moins difficile que de passer à Ubuntu, sauf que le "branding" et le modèle d'affaire de M$ plaît aux acheteurs et décideurs; payer sa "taxe M$" est un automatisme pour lequel peu de fonctionnaires doivent s'opposer. On n'a qu'à considérer la puissance du lobby de M$ auprès du gouvernement américain pour en déduire l'effet qu'il doit avoir sur nos gouvernements. Il y a suffisamment d'utilisateurs de logiciels libres dans nos gouvernements pour s'interroger sur la manière dont les décisions s'y prennent. Dommage qu'un prestataire de services doive manifester son désarroi par une poursuite.
Certains "produits" de l'informatique libre sont peut-être sexy (comme Firefox et Ubuntu), mais passer au libre en toute connaissance de cause requiert une culture informatique et citoyenne qui est pauvre au Québec, hélas peut-être encore plus au gouvernement. Alors il reste l'aspect finance, la seule chose qui semble avoir une odeur ici...
Le gouvernement québécois cherche à créer des ponts avec les entreprises européennes, et plus particulièrement avec la France; l'adoption du libre dans ses services pourrait favoriser nos entreprises locales à créer ces ponts avec l'Europe, et aussi s'ouvrir à un pan important du marché américain de l'informatique libre.
La solution est légale, politique, financière et culturelle. Souhaitons que la poursuite brasse la cage. La situation actuelle est tellement triste qu'on doit se réjouir de l'initiative de Savoir-faire Linux, parce que même si il perd, un grand pas sera franchi.
Merci et bonne chance!